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Face à une conjoncture économique difficile pour l’épanouissement de l’art théâtral et le développement des compagnies de création, la communauté théâtrale québécoise se rassemblait en états généraux en novembre 1981. Pour la tenue de ce premier grand rassemblement des praticiens et praticiennes de théâtre, plusieurs équipes de recherche documentaient la réalité professionnelle de l’époque. Quelque 450 personnes ont débattu, entre autres, sur la nécessité d’élaborer une politique culturelle qui préciserait les responsabilités de l’État québécois envers le théâtre professionnel, de définir une nouvelle catégorisation des compagnies de théâtre, d’établir les missions socioculturelles des organismes de théâtre et de circonscrire un statut pour l’artisan et l’artisane de théâtre. La mise en œuvre des propositions issues des débats commandait la création d’un organisme fédérateur qui porterait la mission de « promouvoir, protéger et développer les intérêts moraux et sociaux des troupes, compagnies, associations et professionnels de la scène ». Le Conseil québécois du théâtre (CQT) était donc officiellement institué en novembre 1983.
Le Conseil québécois du théâtre est devenu aujourd’hui un organisme essentiel à la défense et au développement de sa discipline. Il a su créer une tribune exceptionnelle en permettant au monde du théâtre québécois et à ses artisans de s’en servir pour exprimer leurs revendications. Depuis sa fondation, celui-ci n’a eu de cesse de multiplier des interventions politiques et médiatiques sur les scènes provinciale, fédérale et municipale.
Les grandes causes du CQT
Des dossiers majeurs sont restés une préoccupation permanente pour le CQT et ont fait l’objet d’études, de mémoires et de suivis constants.
Un revenu décent pour les artistes
Soucieux d’assurer un revenu décent aux professionnels du théâtre, le CQT a sans cesse signifié aux pouvoirs publics, tant à Québec qu’à Ottawa, combien étaient précaires les conditions de vie et de pratique des praticiens de théâtre. En 1987, il participait à la Coalition du monde des arts et des affaires culturelles qui gagnait de haute lutte l’accord du gouvernement québécois de l’époque d’octroyer 1 % du budget national aux affaires culturelles. En 1989, le CQT documentait cette réalité en réalisant un portrait exhaustif de la Situation économique du théâtre au Québec. Cette vaste étude, menée de 1989 à 1992, s’est déclinée en trois volets : Volet 1 : Vue d’ensemble, Volet 2 : Une géographie théâtrale, Volet 3 : La rémunération et l’emploi. En 2000, il poursuivait son analyse des conditions socioéconomiques du milieu théâtral avec l’Étude sur la situation et les besoins financiers des artistes, travailleurs et organismes culturels et en 2002 par l’Étude sur la rémunération des praticiens de théâtre. À l’automne 1999, le Conseil se joignait à huit associations et regroupements disciplinaires nationaux afin de créer le Mouvement pour les arts et les lettres ayant pour principale mission de réclamer d’une voix commune que le gouvernement du Québec investisse des fonds supplémentaires et récurrents au budget du Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ). De 2010 à 2014, le CQT réalisait les Profils statistiques des saisons théâtrales 2007-2008, 2008-2009, 2009-2010 et 2010-2011, grâce à la collaboration fructueuse des syndicats d’artistes, l’APASQ, l’AQAD ainsi que l’UDA et des associations de producteurs, l’ACT, l’APTP, QDF, PACT, TAI et TUEJ. Un protocole de recherche, élaboré en concertation et mis en place dès 2008, a permis de donner naissance à ces portraits détaillés de la pratique théâtrale professionnelle au Québec.
La diffusion du théâtre au Québec
Dès 1991, le CQT amorçait une réflexion approfondie sur la question de la circulation du théâtre par le biais de son Comité sur la diffusion. Rappelons qu’en 1996, le ministère de la Culture et des Communications rendait publique la première Politique de diffusion des arts de la scène au Québec : Remettre l’art au monde. Cette même année, le Conseil amorçait un processus d’analyse afin de nourrir les travaux du 7e Congrès québécois du théâtre, dont le thème principal était Bilan et perspectives de la diffusion du théâtre au Québec. À cette époque, la question de la diffusion était examinée sous l’angle du développement du public et de la circulation du théâtre jeunes publics et pour adultes. Les réflexions et recommandations qui ont suivi ces travaux ont entraîné, pour le CQT, la réalisation d’une série d’études sur le développement de public, la mise en marché et la promotion. Ainsi, en 1998, était publié Diagnostic pratiques de mise en marché, en 2000, suite à la tenue du colloque Le théâtre, une passion à partager, le CQT diffusait le document Pour passer des constats à l’action, puis en 2001,
Le théâtre : services de consultation et de perfectionnement relatifs à la mise en marché, au développement de public et à la diffusion. Il concluait cette documentation en 2002 par une enquête sur les Besoins en formation dans les domaines de la promotion, de la mise en marché et du développement de public. Un nouveau bilan des conditions de la diffusion était réalisé pour le 10e Congrès québécois du théâtre de mai 2003, exclusivement consacré à cette problématique. Les travaux préparatoires devaient contribuer à poser un diagnostic sur l’état de la diffusion au Québec depuis la mise en place de la Politique de 1996. L’aboutissement des recherches, collectes de données et analyses a mené au Portrait de la diffusion du théâtre au Québec. Parallèlement à la réalisation de ce portrait, une vaste Consultation sur l’état et les enjeux actuels de la diffusion du théâtre au Québec a été entreprise sur l’ensemble du territoire québécois, réunissant dans chaque région les compagnies de théâtre, les diffuseurs, les praticiens et les agents gouvernementaux.
La fréquentation du théâtre par la jeunesse
La fréquentation du théâtre par la jeunesse représente une des grandes préoccupations du CQT depuis sa fondation. Cette problématique a d’autant plus suscité l’engagement de ce dernier que les compagnies de théâtre jeunes publics ont vécu trois boycottages des activités culturelles par les enseignants du secteur public entre 1999 et 2005. En 1993, à l’instigation du CQT et afin de multiplier les efforts pour que le théâtre soit présent dans la formation générale des jeunes dès le primaire, se créait la Table de concertation Arts Éducation qui est à l’origine de mesures comme Specta-Jeunes et d’autres programmes de sensibilisation aux arts proposés en milieu scolaire. Le Conseil mettait sur pied en 2001 un Comité Culture Éducation dont le mandat était d’établir un portrait de la situation des arts à l’école mais, qui par la force des choses, a réorienté ses travaux pour des interventions immédiates à mettre en place suite au deuxième boycottage en 2002 et au remplacement du programme Rencontres Culture Éducation par le programme La culture à l’école. En 2005, le milieu théâtral est aux prises avec le troisième boycottage des sorties culturelles par les enseignants; en chef de file des associations représentant les arts de la scène (théâtre, danse et musique), le CQT organise alors un coup de force politique et médiatique et dépose le Manifeste pour la fréquentation des arts de la scène qui sera accueilli de façon unanime à l’Assemblée nationale et provoquera la signature d’une entente historique entre le gouvernement et les syndicats d’enseignants, écartant ainsi de manière définitive l’utilisation de ce moyen de pression.
Le CQT a également travaillé à l’élaboration d’outils concrets permettant l’amélioration de la pratique et de la fréquentation du théâtre jeunes publics. En 1994, il crée la publication Coup d’œil sur la saison théâtrale, guide pédagogique qu’il met à la disposition des professeurs de français et d’art dramatique afin de leur permettre de sélectionner l’expérience théâtrale la mieux adaptée aux besoins de leurs étudiants et stimuler ainsi l’étude de l’art dramatique; cette publication, éditée chaque année, est devenue un outil incontournable de développement de public pour les compagnies et les diffuseurs de théâtre. En 2001, le CQT, en collaboration avec l’association Théâtres Unis Enfance Jeunesse (TUEJ), a développé Le Guide du passeur, un nouvel outil de sensibilisation au théâtre. Créé spécifiquement à l’intention des diffuseurs et des animateurs professionnels, ce guide veut soutenir les actions destinées à améliorer la connaissance et l’appréciation de l’art théâtral par le public. Il se décline en quatre cahiers : Le contexte, Connaître le théâtre, Comprendre le théâtre et Ressources pratiques.
La circulation des œuvres à l’étranger
Depuis 2004, le CQT a accordé une attention particulière au dossier de la circulation des oeuvres à l’international. En collaboration avec le Regroupement québécois de la danse et le Conseil québécois de la musique, il rédigeait le document Les arts de la scène, grands ambassadeurs de l’identité canadienne à l’étranger – Condensé des réflexions à l’égard de la situation financière des organismes organisant des tournées à l’extérieur du Canada qui était remis au ministre fédéral des Affaires étrangères. Par la suite, en 2006, le Conseil enclenchait une étude sur l’État de situation de la circulation des oeuvres à l'international pour les organismes de théâtre du Québec.
La présence du CQT sur la scène internationale
De 1986 à 2003, le CQT a été membre de l’Institut international du théâtre (IIT), une organisation internationale non-gouvernementale fondée en 1948 par l’UNESCO et la communauté internationale de théâtre. Ce partenariat a permis de favoriser les échanges sur les diverses pratiques théâtrales dans le monde. En 2003, il décidait de rompre ce partenariat, les priorités de l’ITT ne satisfaisant plus aux exigences de la pratique professionnelle. Le Conseil québécois du théâtre a cependant continué de suivre de près ce qui se passait sur la scène internationale, et, en tant que membre de la Coalition canadienne pour la diversité culturelle, a participé, à partir de 2000, aux travaux et aux rencontres qui ont permis que la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, élaborée par l’UNESCO, entre officiellement en vigueur en mars 2007 après avoir été ratifiée par 54 pays. Depuis 1986, le Conseil organise des activités pour la promotion de la Journée Mondiale du Théâtre ayant lieu chaque année le 27 mars et relaie le Message International.
La mise en commun des ressources
Dans le cadre de la mise en œuvre des propositions adoptées lors du 10e Congrès québécois du théâtre, le CQT mettait sur pied, au cours de l’automne 2003, un Comité sur les nouvelles ressources financières, plus tard renommé Comité sur la mise en commun des ressources. Composé de praticiens, d’auteurs et de comédiens, ce comité a concentré ses efforts sur la recherche d’actions permettant de remédier aux conditions précaires dans lesquelles évolue la relève théâtrale professionnelle. Le Comité a ainsi produit un mémoire, La pratique théâtrale professionnelle vécue par les compagnies peu soutenues au fonctionnement et soutenues au projet, qui a été remis aux instances publiques. En avril 2005, le CQT signait l’édition finale du site www.troctheatre.com, conçu sous forme d’un babillard électronique et de centre d’informations et le présentait officiellement à la communauté théâtrale lors du colloque. Cette même année, dans un esprit de solidarité avec sa communauté, il accueille avec enthousiasme le projet Carte Premières, exemple probant de concertation sur la mise en marché de plusieurs compagnies théâtrales de la relève. Par la suite, le Conseil formule un appui sans réserve à un projet de lieu de diffusion dédié à la relève théâtrale au Québec nommé la Centrale et qui deviendra Aux Écuries. En 2013, suite au colloque organisé par le CQT « L’avenir du théâtre québécois : l’heure des défis », et à la lumière de « Le théâtre en question », texte écrit conjointement par Jacques Vézina et Robert Spickler, il est décidé d’amorcer une réflexion en profondeur sur les modèles de gestion en théâtre. Un comité intitulé « Nouveaux modèles de gestion » est alors mis en place et c’est à l’issue des travaux menés par les différents représentants de compagnies de théâtre francophones et anglophones, de lieux de diffusion, des artistes ainsi que des travailleurs culturels, qu’est publiée en 2015 l’étude « Propositions pour la diversification des modèles de gestion dans le milieu théâtral ».
La formation continue
En avril 1997, le CQT participe au Comité de coordination de la main-d’œuvre dans le secteur culturel (CCC) en vue de fonder, en juin 1999, le Conseil québécois des ressources humaines en culture (CQRHC). Cet organisme a pour mission de contribuer à l'élaboration et à la réalisation de stratégies vouées à la reconnaissance du professionnalisme et au développement des ressources humaines dans le secteur culturel. Depuis 1998, le CQT, en tant que représentant du secteur théâtre, participe aux travaux du Comité de formation continue « Arts et culture » de l’Île de Montréal, dont les activités sont financées et administrées par Emploi-Québec. Ce comité appuie des projets permettant d’améliorer la situation de l’emploi ou l’augmentation des revenus des travailleurs culturels, artistes et artisans qui participent à la formation. Le CQT est la structure référante qui transmet à Emploi-Québec les projets de formations qui lui sont soumis par les organismes de théâtre. Depuis 2012, le CQT détient un mandat pour le développement et la concertation des projets de formation continue pour le milieu théâtral. À cette fin, il détient une politique de formation continue reliée à l’évolution de sa discipline et à son propre développement, car comme regroupement national, le CQT se doit de jouer un rôle de chef de file dans la concertation de l’ensemble des associations professionnelles qui œuvrent en formation continue pour le secteur Théâtre. Également, il entretient des liens continus avec Compétence Culture, comité sectoriel de main-d’œuvre en culture, et avec les autres secteurs artistiques au sein du comité de formation continue Arts et culture de l’île de Montréal. Pour réaliser ce mandat et afin de répondre aux besoins de l’ensemble des intervenants du milieu théâtral, le CQT a mis en place un processus de concertation pour encourager et soutenir les actions communes entre les différentes associations en théâtre actives en formation continue, et dynamiser l’offre d’activités de formation. Également, la réalisation d’une Étude de besoins en formation continue en 2015 permet au CQT d‘avoir désormais accès à des informations précises et documentées sur les nécessités de perfectionnement professionnel de sa communauté.
La promotion de l’art théâtral
Le Conseil québécois du théâtre, détenant le mandat de promotion de l’art théâtral confié par sa communauté, créait, en 1993, l’Académie québécoise du théâtre (AQT) qui prenait son envol en 1994 pour organiser annuellement le Gala des Masques destiné à reconnaître l’excellence de l’art théâtral québécois et sa dramaturgie. Depuis la disparition en 2008 de l'AQT, le CQT travaille à déterminer les meilleures actions de promotion collective pour faire rayonner l'art théâtral auprès d'un public élargi au Québec tout en fédérant le milieu du théâtre. Depuis 2012, le CQT publie un répertoire des lauréats de prix et reconnaissances en théâtre. En 2013, le CQT a créé les Prix Sentinelle pour souligner l’apport indispensable des travailleurs culturels au développement de l’art théâtral québécois.
Les événements rassembleurs
Depuis sa création, le CQT a organisé treize Congrès québécois du théâtre ainsi que plusieurs manifestations et colloques. En octobre 2007, se tenaient les Seconds États généraux du théâtre, événement historique qui plaçait les balises des nouveaux mandats du CQT pour les années à venir. C'est en novembre 2015 qu'avait lieu le 13e Congrès québécois du théâtre, sur le thème de Théâtre & Diversité culturelle, un rassemblement au succès porteur d'avenir.