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SAVIEZ-VOUS qu'il existe un comité numérique au CQT? Créé en mai 2020 grâce au soutien du Conseil des arts et des lettres du Québec, le comité a été pensé avant l’arrivée de la pandémie. Sa présence s’est avérée plus que jamais indispensable pour imaginer et concevoir de « nouveaux possibles » à l’aide du numérique. Des organismes de théâtre et expert.e.s sont venus discuter avec les membres d’initiatives remarquables qui sont nées ou qui ont muté durant la pandémie. Lors de ces rencontres, le comité s’est aussi penché sur les enjeux légaux, financiers et technologiques provoqués par la transformation numérique, qui pousse le théâtre à redéfinir ses formes, ses contenus et ses espaces. Dans cette édition, nous vous présentons quatres projets inspirants: le festival de l'OFFTA, de Porte-Parole, du Canadian Actors’ Equity Association et de la Compagnie Jean Duceppe, voici donc nos découvertes! |
La 14ème édition de l’OFFTA a marqué un tournant dans les pratiques de diffusion des arts vivants, étant parmi les premiers festivals du territoire à présenter une programmation offerte exclusivement en ligne.
Des 25 artistes prévus au début, 15 ont accepté de revisiter leur œuvre. Avant cette édition spéciale, Vincent de Repentigny, directeur artistique et général chez LA SERRE - arts vivants, s’est entretenu avec nous et a lancé un message fort, réitérant la volonté du OFFTA de renouer le lien avec ses publics et ses artistes de façon alternative, malgré le confinement :
« Les artistes n’ont pas vu la diffusion numérique de leur œuvre comme une finalité, mais plutôt comme l’opportunité de participer à un laboratoire. Le modèle du festival est d’essayer ensemble, c’est l’une des grandes forces de notre mission : nous sommes une serre, un laboratoire ! »
L’approche expérimentale est un grand atout lorsqu’on utilise les outils numériques non pas pour transposer de façon identique l’œuvre sur le web, mais plutôt pour lui donner une autre forme artistique.
Une autre expérience partagée est celle d’Amandine Gauthier, directrice générale de la compagnie Porte-Parole, qui a lancé en juin 2020 le premier épisode de la série L’Assemblée, à mi-chemin entre la pièce théâtrale et le débat citoyen.
Avec le soutien de deux ingénieurs de l’équipe d’Urbania, Porte-Parole a bravé les obstacles techniques. Pour la captation du spectacle, 8 caméras ont été utilisées pour filmer la scène principale, en plus d’une caméra fixe et d’une caméra mobile. Pour réussir une diffusion en direct, Porte-Parole a partagé quelques recommandations de bases:
Une connexion filaire autour de 100 mbp/s entrant et 50 mbp/s sortant; pas de WIFI pour tout équipement crucial; limiter le plus possible la surcharge du réseau pour réserver la bande passante internet au flux vidéo du streaming et assurer une bonne qualité vidéo, sans interruptions; utiliser un logiciel de streaming performant, comme OBS Studio, libre, open source et multiplateforme.
Si Zoom présente encore des failles en termes de cyber sécurité, ce logiciel de visiophonie s’est prêté très bien au format du spectacle, incitant le public à participer.
« On avait la sensation que 2 spectacles se passaient en même temps : un sur le chat et un sur scène. On réfléchit à inclure le chat dans le spectacle, mais être attentif à ce qu’il se passe sur scène et, en même temps, au clavardage de Zoom n’est pas tout à fait facile à faire pour les comédiens et comédiennes. »
L’Assemblée, Montréal © Annabel Soutar
Que l’on penche pour une esthétique du « fait maison » ou que l’on investit jusqu’à 80 000 $ pour des captations de haute qualité, les questions demeurent les mêmes : Comment peut-on vendre des billets pour de la diffusion en ligne et sortir, ainsi, de la gratuité? Comment rémunérer de façon appropriée les artistes et les créateurs des contenus en ligne? De quelle façon distribuer les redevances de la diffusion en ligne?
Bien que l’absence de modèles d’entente pour la diffusion en ligne laisse la place au cas par cas, Arden R. Ryshpan, Directrice exécutive de la Canadian Actors’ Equity Association (Toronto), nous a parlé de la pratique observée auprès de l' association.
Les artistes sont payés pour les répétitions et les tournages; ensuite, un montant forfaitaire leur est octroyé lors d’une diffusion web prévue pour une durée précise. Si des billets sont vendus, les parties s’entendent sur un pourcentage à redistribuer entre les artistes. Pour le moment, la géolocalisation du public n’est pas encore utilisée.
Il va de soi que la création d’un modèle d’affaires est urgente. La Compagnie Jean Duceppe, en partenariat avec l’ensemble des Théâtres associés, a été la première à se voir accorder une aide financière, dans le cadre du programme Ambition numérique du MCC, pour la création d’une trousse d’outils servant à la webdiffusion, à l’usage des théâtres québécois (2020-2023). Nous avons invité Marie-Claude Hamel, Directrice des communications et du marketing chez Duceppe, pour en savoir davantage sur l’initiative. La trousse se compose de quatre outils principaux :
1. Un module de webdiffusion qui prend la forme d’un visionneur de vidéos sur demande (VSD), intégré dans les sites web des théâtres;
2. Un guide pratique sur les métadonnées pour améliorer la découvrabilité de l’offre de spectacles et des captations;
3. La négociation d’ententes type avec l’UDA et l'APASQ pour harmoniser les pratiques et les contrats des projets théâtraux diffusés sur scène et en ligne;
4. L’analyse d’un modèle d’affaires à partir des données transactionnelles de 8 théâtres, dans le but d’augmenter les revenus et acquérir de nouveaux publics.
De plus, l’aide reçue servira à produire des captations de spectacles de haute qualité technique, constituant un catalogue de départ de 8 œuvres originales, entièrement adaptées à la diffusion en ligne.
Comment Duceppe compte rendre intéressante, tant aux yeux du public que ceux des artistes et des artisans, une œuvre théâtrale filmée ? Les équipes, déjà au travail, font des essais sur la quantité et la nature des prises filmées, sur le nombre de caméras à utiliser, tentant d’uniformiser les méthodes de tournage, ainsi que les normes légales et techniques. L’une des clefs de réussite sera sans doute la capacité à instaurer un dialogue positif et innovant entre le metteur en scène et le réalisateur de la captation pour donner à l'œuvre une identité artistique puissante.
Avec comme mandat le développement d’une stratégie numérique par l’émission d’avis consultatifs, le comité numérique réunit différents acteurs du secteur théâtral et du milieu culturel, répondant à la nécessité de mobiliser le milieu face aux défis du numérique et de le concerter devant la pluralité des pratiques et des besoins.
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