8 mars 2013 |
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Par Dominique Leduc, présidente du CQT
Comment expliquons-nous qu’au Québec, il y ait tant de gens déterminés à faire du théâtre en dépit de tout, alors qu’on a tant de mal à remplir nos salles ?
Cette question commence à me titiller sérieusement. Elle est à l’origine d’une tension inquiétante à l’intérieur du milieu, d’un sentiment d’impuissance qui risque de miner la vitalité extraordinaire de la pratique. Or, si nous avons de plus en plus de mal à susciter l’intérêt du public, ce n’est pas parce que l’offre manque d’intérêt ou de substance. Dans les trente dernières années, j’ai vu les compagnies se multiplier et des créateurs exceptionnels émerger. Notre dramaturgie est florissante, de jeunes acteurs et actrices inspirés (es) me font vibrer encore… Bref ! La pratique théâtrale au Québec est prodigieuse et je voue un culte à tous ceux qui la tiennent à bout de bras !
Mais je suis tannée de jouer devant mes amis ! On a des belles salles maintenant, cela va sans dire, mais on a beaucoup de mal à mettre du monde dedans. Pour y arriver, les compagnies font preuve d’une ingéniosité qui rivalise avec le processus de création lui-même et dépensent une part importante de l’argent qu’ils devraient mettre ailleurs. Pour, supposément, pallier ce problème, les gouvernements exigent maintenant des compagnies des efforts de développement de public. Mais ce mandat leur est imposé sans qu’on tienne compte de leurs ressources limitées ou de la complexité de l’objectif et, surtout, sans que les gouvernements eux-mêmes ne s’engagent dans une politique de promotion de l’art efficace et globale au sein de notre société. Pire ! Les gouvernements fédéral et provincial ne jouent pas leur rôle en tolérant, par exemple, que les médias publics réduisent la place accordée à l’art sous prétexte que ça nuit aux cotes d’écoute… Eh oui ! On est malheureusement plus à l’ère où les politiciens initiaient des mouvements de société, plantaient la graine d’un développement porteur de sens… Certains considèrent
Occupation Double comme un modèle et une occasion «
d’épanouissement du territoire » et le gouvernement conservateur soutient une chaîne de télé qui dénigre ouvertement les artistes. On a vu aussi certains gels et coupes en culture qui avaient tout l’air de vouloir donner l’impression qu’on gère de façon responsable, qu’on coupe dans le gras (la culture, en l’occurrence !) et qu’on se préoccupe de l’essentiel : assurer le pouvoir d’achat de l’électorat !
Conséquemment, comment peut-on exiger que des compagnies de théâtre sans ressources assument un mandat si fondamental que le développement du public, alors que les gouvernements eux-mêmes refusent de s’y investir ou de s’y intéresser ?
Les compagnies ont beau organiser des discussions d’après
show, des 5 à 7, adapter les horaires des spectacles aux multiples réalités, le public de théâtre ne se renouvelle pas. On fidélise peut-être, mais on n’amène pas du nouveau monde au théâtre. Pourtant, cette mission est cruciale pour que le théâtre survive à la mort inévitable des gens qui le fréquentent actuellement.
Au même titre que la bonne alimentation, l’activité physique ou la lutte contre le tabagisme ont fait l’objet de campagnes nationales, la fréquentation des arts professionnels doit faire l’objet d’une véritable promotion par le ministère de la Culture. Il faut agir sur les mentalités, parler de l’art avec respect, amour et intelligence, le défendre, promouvoir l’incidence positive qu’apporte sa vitalité au sein de notre société.
Ce n’est qu’en se joignant au milieu, dans un effort commun et réfléchi, que le gouvernement pourra vraiment parler avec nous de « développement de public » et qu’on pourra mettre en place des mesures efficaces pour donner au monde le goût du théâtre. D’ici là, je considère que les différents paliers de gouvernement doivent cesser de pelleter dans notre cour une charge magistrale qu’ils ne nous donnent pas les moyens de réaliser.
Mettons-nous ensemble pour exiger une véritable campagne de promotion de la fréquentation des
arts professionnels.
Dominique Leduc