Conseil québécois du théâtre
L'innovation et ses tournants
1er juin 2021 | PARTAGER :        

Par Comité numérique

La capacité d’innover est devenue un prérequis pour répondre aux critères de dépôt de certaines demandes de subventions dans le milieu des arts. Par contre, les artistes, les artisan.nes et les travailleurs.ses culturel.les ne sont pas toujours à l’aise pour répondre à ces attentes. Cet inconfort vient du fait que le terme «innovant» est devenu un mot passe-partout, à la portée très vaste, parfois vidé de son sens. Dans la pratique, c’est difficile de se libérer de l’emprise de la dualité «j’innove parce que je suis un pionnier dans l’usage d’une technologie» ou «j’innove parce que l’usage d’une technologie me permet d’exprimer un message de façon poignante». 


©Transcultures - Centre interdisciplinaires des cultures numériques et sonores - Belgique

Cela ramène au besoin, pour l’artiste, de connaître les technologies pour choisir celle qui lui permettrait d’exprimer au mieux ses propos. Ce besoin est difficile à combler entre autres parce que les échéances de production des œuvres sont souvent trop serrées. C’est là que les équipes artistiques et de production risquent de tomber dans la gadgetisation: les technologies qui sont utilisées pour émerveiller le public deviennent un fin en soi et elles ne sont pas intégrées de façon organique dans la démarche artistique. La perception de ce risque de la part des équipes artistiques et de production engendre des craintes, par exemple la peur de tuer le Vivant. 

Comment soutenir donc les artistes dans la découverte des technologies? Comment faciliter l’intégration des technologies sur scène? Si l’offre de formations est une solution, le comité numérique a abordé le thème des catalogues, qui pourraient répertorier les technologies, proposer des listes d'œuvres pour élargir l’éventail de sources et de références, ainsi que des outils dramaturgiques pour adapter la conceptualisation et l’écriture. Ce type d’outil permettrait aux créateurs et aux équipes de mieux évaluer la pertinence d’un choix technologique s’inscrivant dans leur démarche artistique.  

Si l’aide à la conceptualisation d'œuvres qui intègrent les technologies numériques est un maillon très important dans la chaîne de réalisation, la question de la disponibilité des ressources financières reste un enjeu important. Les artistes qui travaillent avec le numérique souhaiteraient voir plus de programmes de soutien ou d’appels à projets adaptées à la co-création et à la collaboration entre le milieu des arts de la scène et certains secteurs de l’industrie créative, comme celui des médias interactifs, du design, des services créatifs ou de l’audiovisuel. Le comité relève donc un besoin de maillage entre arts et industrie qui n’est pas largement entendu. 

Enfin, il ne faut pas oublier qu’à l’heure où on réfléchit à l’intégration des technologies numériques dans les créations scéniques, on demande déjà à l’artiste d’être créateur, gérant de compagnie, médiateur, on lui demande même d’être capable de prouver l’impact social ou économique de ses projets sur un territoire ou une région. Bref, le fardeau de l’artiste est déjà assez lourd et sa liberté de créer en est entravée de façon importante.

Il y a, donc, un apport significatif d’autres acteurs du milieu qui pourraient proposer aux artistes de la scène des initiatives structurantes, comme une prise en charge partielle de la technologie et un accompagnement, à des frais adaptés à la réalité du milieu, pour décharger les créateurs de la scène du poids que la maîtrise de la technologie ajoute à leurs multiples responsabilités.

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