Conseil québécois du théâtre
Culture et financement privé : la petite séduction
16 décembre 2009 | PARTAGER :        

L’apport du secteur culturel à l’économie de Montréal n’est pas récent. À l’aube des années 2000, l’étude intitulée Impact économique des activités du secteur de la culture à Montréal constatait déjà le rôle prépondérant de ce secteur dans l’économie montréalaise. L’étude récemment publiée par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM), ayant pour titre La culture à Montréal : impacts économiques et financement privé, relève la contribution significative de la culture dans le dynamisme économique de Montréal. En plus des retombées économiques majeures qui s’élèvent à près de 12 milliards de dollars par année, soit environ 6 % du PIB de la région métropolitaine de Montréal (RMM)[1], le secteur culturel est aussi un grand créateur d’emplois. Il se situe parmi les principales industries à Montréal avec 96 910 emplois directs en 2008, soit 5,1 % de l’emploi total de cette ville.

Dans le cadre de son étude, la CCMM a rejoint les 294 organismes artistiques qui ont reçu une subvention du Conseil des arts de Montréal en 2008, dont 57 organismes de théâtre. Les informations recueillies permettent de constater que le financement du secteur privé est bien marginal pour l’art théâtral. Cette discipline arrive en queue de peloton avec 13 % des dons et des commandites reçus. Ces données sur le théâtre, révélées par l’étude de la CCMM, se rapprochent de la proportion des compagnies théâtrales ayant bénéficié de Placements Culture. En effet, le secteur théâtral n’a récolté que 17 % des subventions accordées depuis la mise en place de ce programme du Conseil des arts et des lettres du Québec en 2005.

L’étude de la CCMM permet de constater que la discipline artistique à laquelle un organisme appartient ainsi que la taille de son budget influencent sa capacité à attirer du financement privé. Pour le secteur du théâtre, les organismes ayant un budget annuel situé entre 0 $ et 250 000 $ reçoivent 7 % de leur financement en dons et commandites, alors que la part de financement public s’élève à 65 %. Pour ceux dont le budget annuel se situe entre 250 000 et 500 000 $, le secteur privé contribue pour 9 % de leur financement et le secteur public pour 68 %. Les organismes qui ont un budget entre 500 000 $ et 1 M$ reçoivent une part inférieure en dons et commandites que ceux de la catégorie précédente, soit 6 %, alors que la part de financement public est de 64 %. Enfin, les organismes théâtraux ayant un budget annuel supérieur à 1 M$ vont chercher 19 % de leur financement auprès du milieu des affaires, 30 % en financement public et complètent par 51 % de revenus autonomes.

Plusieurs études récemment publiées laissent présager que la récession économique mondiale exercera un impact particulièrement prononcé sur le financement privé aux organismes de théâtre. Dans son rapport intitulé Impact de la récession mondiale sur l’économie créative du Canada en 2009, le Conference Board du Canada (CBC) prévoit que « la récession mondiale devrait affecter les revenus tirés de toutes les sources [de revenus], particulièrement des fonds de dotation. La faiblesse de l’économie et la chute abrupte des marchés boursiers devraient entraîner une réduction de près de 16 % de cette source de revenus. » De surcroît, c’est dans le secteur des arts de la scène que la réduction des revenus des fondations aura la plus grande incidence. Une conclusion similaire ressort du rapport L'Économie des arts en temps de crise, publié par la Chaire de gestion des arts du HEC Montréal. Cette enquête, à laquelle ont participé 259 organismes artistiques québécois, révèle que « ce sont principalement les revenus privés qui seront les plus touchés par la récession ». À l’instar du CBC, les auteurs constatent que la diminution des revenus des fondations et des fonds de dotation sera la plus prononcée pour les arts de la scène. Enfin, au niveau fédéral, Patrimoine canadien mentionne dans son rapport sur le rendement 2008-2009 que les postulants au volet Incitatifs aux fonds de dotation du Programme de consolidation des arts et du patrimoine canadiens ont noté une baisse de 25 % des dons provenant du secteur privé. Autant d’éléments qui indiquent que la contribution du secteur privé au financement des organismes de théâtre professionnel demeurera encore bien secondaire pour les années à venir, en dépit de l’intérêt marqué des gens d’affaires d’encourager le rayonnement artistique.

Alors que les fonds alloués aux conseils des arts stagnent depuis plusieurs années, ces données publiées sur la régression du financement privé laissent présager un avenir financier d’autant plus incertain aux organismes et artistes de théâtre professionnel. L’impact économique majeur du secteur culturel ne doit pas faire oublier que ce sont les artistes, auteurs et interprètes qui touchent la plus faible rémunération de ce secteur, avec un revenu annuel moyen de 24 400 $. En outre, cette rémunération ne distingue pas la part de revenu provenant uniquement d’une activité artistique de celle tirée d’un emploi exercé dans un autre domaine. En guise de comparaison, le revenu annuel moyen dans le secteur culturel est de 44 000 $ et celui pour l’ensemble des secteurs de la RMM s’élève à 48 547 $. Déjà vulnérables, les artistes sont durement touchés par la récession économique. Dès lors, n’est-il pas paradoxal que le cœur créatif de la culture œuvre dans la plus grande précarité financière, alors que la contribution du secteur culturel à l’économie n’a jamais été aussi grande ?



[1] La région métropolitaine de Montréal (RMM) comprend les villes de Montréal, de Laval, de Longueuil ainsi 79 municipalités environnantes. En outre, l’étude définit le secteur culturel par les disciplines et domaines suivants : les arts de la scène, les arts visuels, la création littéraire et l’édition, la musique et l’enregistrement sonore, le patrimoine, le cinéma et la télévision, la publicité, l’architecture, les jeux interactifs et le design. L’étude précise également que si le secteur culturel ne se limite pas qu’au domaine des arts, il en demeure la principale composante.

 

Crédits
© Copyright 2025 | Tous droits réservés. Conseil québécois du théâtre.