7 mai 2019 |
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Le brouillard peine à se dissiper sur les intentions de la ministre Nathalie Roy
Lors de l’étude des crédits budgétaires en commission parlementaire le 29 avril dernier, la ministre de la Culture et des Communications (MCC), Nathalie Roy, a tenté d’expliquer et de justifier les crédits alloués à la culture par son gouvernement auprès des députées de l’opposition porte-paroles en culture et de députés de son parti. Un après-midi de joutes verbales, parfois alambiquées, au cours de laquelle la ministre a fourni certaines informations et quelques réponses peu probantes.
Point rapidement abordé par la porte-parole en culture du Parti libéral du Québec, Isabelle Mélançon, et qui d’ailleurs fit tiquer l’ensemble du milieu culturel lors de la première conférence publique de la ministre à la Chambre de commerce du Montréal métropolitain en février : le fameux 1 % en culture. La proportion des dépenses en culture vis-à-vis des dépenses des autres portefeuilles ministériels atteint presque 1,3 % selon le gouvernement. C’est là où le bât blesse. La députée libérale de Verdun a confronté la ministre en faisant valoir que le 1 % n’est pas atteint si l’on considère uniquement les dépenses de programme dédiées à la culture et qu’on les compare aux dépenses de programme pour l’ensemble des ministères. Ainsi, le chiffre fatidique du 1 % est dépassé seulement si l’on comptabilise l’ensemble des dépenses en culture dont une part substantielle n’est pas affectée au soutien et au rayonnement de la culture québécoise ni n’est pérennisée d’une année à l’autre.
Cette bataille de chiffres ne doit pas occulter cette situation paradoxale : jamais la culture au Québec n’aura reçu autant d’argent public et pourtant, le milieu culturel manque encore cruellement de financement. Aussi, la revendication menée par le CQT conjointement avec plusieurs regroupements sectoriels pour une augmentation récurrente du budget du Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ) de 40 M$ conserve tout son bien-fondé.
À la différence du plan budgétaire 2019-2020 de 400 pages dans lequel elle n’a pas été citée une seule fois, la nouvelle politique culturelle a été l’objet de plusieurs échanges musclés quant au traitement de certaines actions. La ministre n’a indiqué aucun calendrier précis de la mise en oeuvre d’importantes mesures, laissant le milieu culturel dans l’incertitude. Interrogée sur la révision des deux lois sur le statut de l’artiste, Nathalie Roy a concédé « ne pas avoir le contrôle sur l’agenda ». Pourtant, cette urgente révision figure dans le plan d’action de la politique culturelle et permettrait de poser une première pierre à l’édification d’un filet social pour les artistes et les travailleur.euse.s culturel.le.s. Tout aussi lacunaire sur le suivi de la politique culturelle, la ministre a fermé la porte à une reddition annuelle. Rappelons que plus de 600 M$ d’argent public seront injectés dans le cadre de cette politique jusqu’en 2023. On aura tout de même appris que la sous-ministre Marie Gendron devient la personne responsable de sa mise en oeuvre.
La ministre a évoqué sa vision de l’entrepreneuriat culturel, vision qui à une nuance près s’arrime à une mesure du plan d’action de la politique culturelle. Il y est question d’entrepreneuriat culturel pour les entreprises culturelles afin notamment qu’elles s’adaptent aux nouvelles technologies, et qu’elles soient mieux soutenues aux différents stades de leur évolution. La ministre s’est d’ailleurs voulue rassurante puisque 32,5 M$ supplémentaires seront alloués aux sommes déjà prévues (45 M$) et serviront, entre autres, à une meilleure reconnaissance du rôle de « l’artiste-entrepreneur » par le CALQ. Cependant, elle souhaite encourager les artistes-entrepreneurs à rejoindre « de nouveaux clients et de nouveaux marchés ». Cette volonté ne figure pourtant pas dans le plan d’action et interroge. À qui la ministre veut-elle faire porter la charge de développer « de nouveaux clients et de nouveaux marchés » ? Aux entreprises culturelles qui tentent déjà par divers moyens de développer leurs publics et de rayonner au Québec et à l’international ou aux artistes qui peinent encore à créer dans des conditions décentes faute de soutien suffisant ? Le CQT lance à nouveau une mise en garde contre ce glissement tendancieux pour les artistes et la création.
Autre point discuté lors de l’étude des crédits, les sorties culturelles en milieu scolaire pour lesquelles le gouvernement Legault a récemment fait d’importantes annonces. Le milieu théâtral salue de façon unanime ces mesures qui représentent de réelles avancées, mais presse le gouvernement de dévoiler rapidement les mécanismes d’attribution des fonds aux écoles. Les professeur.e.s ont besoin d’un cadre clair pour planifier les sorties culturelles de la prochaine année scolaire.
Après des années de consultations, de rédaction de mémoires, de collaboration avec le ministère de la Culture, un temps d’attente infini pour obtenir une nouvelle politique culturelle avec, enfin, des fonds significatifs, le milieu culturel se sent pris en otage du bon vouloir et de l’agenda politique du gouvernement pour la pleine mise en oeuvre de cette politique.
Le milieu culturel est prêt, la ministre l’est-elle ?