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Marie-France Coallier, Le Devoir
Conférence de la ministre de la Culture : rien de nouveau sous le soleil
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Le vendredi 1er février, la ministre de la Culture et des Communications, Nathalie Roy, a dévoilé devant plus de 500 convives réunis à la Chambre de commerce du Montréal métropolitain la vision du gouvernement Legault pour les arts et la culture. Si rien n’a réellement terni l’allocution, rien n’est venu l’illuminer et nous en sommes au même point qu’il y a quelques mois à son arrivée en poste. Nathalie Roy a finalement annoncé qu’elle ne cèderait pas à la partisanerie et que la nouvelle politique culturelle finalisée par le précédent gouvernement serait préservée dans sa forme actuelle, ainsi que le financement alloué.

La culture du chiffre 

« Audace, courage et ambition », telles sont les valeurs que la ministre veut porter pour le milieu culturel. C’est ainsi qu’elle a promis de « maintenir les investissements » du gouvernement en culture « en ne visant rien de moins que la barre du 1 % » des dépenses gouvernementales. Objectif questionnable s’il en est, puisque les dépenses en culture avoisinent déjà 1,1 % des dépenses du gouvernement selon le mémoire économique de la Coalition La culture, le cœur du Québec. À la fin des années 1980, cette part flirtait même les 1,6 % selon l’Observatoire de la culture et des communications du Québec, avant de décliner pour arriver à la réalité que l’on connait aujourd’hui. Osons donc rappeler que la revendication actuelle du secteur culturel, soutenue par le CQT, soit plutôt un soutien accru de l’État à 2 % des dépenses gouvernementales, ce qui permettrait de donner la juste mesure aux ambitions du gouvernement Legault pour les arts et la culture.
 
Nathalie Roy s’est d’ailleurs réjouie de leur importance pour l’économie québécoise, et bien sûr, qui ne s’enthousiasmerait pas de la vitalité que connait aujourd’hui le secteur culturel et artistique ?  En 2016, il pesait pour 3 % du PIB provincial et employait plus de 160 000 Québécoises et Québécois. Mais serions-nous trouble-fêtes en disant qu’au début de la décennie, il représentait plus de 4 % du PIB et comptait dans ses rangs 175 000 employé.e.s ?
 
La culture ne saurait d’ailleurs se résumer à une histoire de chiffres ou à des concepts économiques de dépenses gouvernementales, d’offre ou même de « fibre entrepreneuriale » pour reprendre les termes de la ministre. Un artiste ne crée pas une œuvre pour répondre aux besoins des consommateurs, mais exprime à ses contemporains, avec une fibre sensible et intime, sa vision du monde. Attention aux mélanges des genres !

Redonner du souffle

« Les liens entre éducation et culture seront resserrés » a également affirmé à plusieurs reprises la ministre Roy qui en fait l’une des priorités de son action au côté de la préservation de la langue française, le « vaisseau amiral de notre identité ». Nous ne pouvons que nous réjouir de cette ambition, mais là encore, les annonces de la ministre revêtent un air de déjà vu. La politique culturelle promet déjà d’amplifier la relation entre culture et éducation par le biais, entre autres, d’une bonification de l’offre des sorties culturelles à l’école. Les objectifs énoncés dans le Plan stratégique 2018-2021 du ministère de la Culture et des Communications évoquent déjà clairement une meilleure intégration de la culture à la vie de tous les élèves et une promotion accrue de la langue française partout sur le territoire québécois, au Canada et sur la scène internationale. 
 
Enfin, la ministre de la Culture s’érige en rempart contre « ce courant de pensée qui, partant d’objectifs vertueux, est en train de devenir une police de la pensée », tout droit venu « des campus universitaires américains », et qui « menace la liberté de nos créateurs ». Les controverses entourant SLĀV et KANATA - qu’elle mentionne sans les nommer – nous ont montré l’été dernier à quel point la liberté d’expression ne peut demeurer la seule grille de lecture de tels évènements et que ne peuvent être balayées du revers de la main les blessures de minorités culturelles.
 
La ministre a appelé à l’union entre son ministère et le secteur culturel, et nous saluons sa volonté de collaboration.
 
L’auteure dramatique Carole Fréchette, que Nathalie Roy cite à la fin de son discours, disait que si elle était ministre de la Culture*, elle souhaiterait ne plus être considérée « comme ministre du superflu », mais  être invitée « à la table de l’essentiel, comme ministre de l’équilibre des âmes, du battement des cœurs, de la respiration, ministre de l’oxygène ». La ministre de la Culture a affirmé qu’elle réclamerait auprès du Conseil du trésor les fonds nécessaires pour réaliser ses ambitions. Espérons de tout cœur que madame Roy y parvienne, elle deviendrait alors la ministre de l’oxygène pour un milieu théâtral et un secteur culturel qui en ont grandement besoin.
 


*Texte écrit dans le cadre de la campagne électorale provinciale 2014 durant laquelle le CQT avait invité des personnalités publiques à s’exprimer sur le thème Si j’étais ministre de la Culture.

Visionner la conférence prononcée par la ministre de la Culture et des Communications, devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain le 1er février 2019

Revue de presse
La ministre Nathalie Roy veut maintenir les investissements en culture, Lia Lévesque - La Presse canadienne, Le Devoir 2 février 2019
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