Le budget 2011-2012 du gouvernement Charest suscite davantage d’inquiétudes et d’interrogations qu’il ne répond aux besoins du milieu théâtral québécois. Ce budget permet des avancées importantes sur le plan de la diffusion internationale grâce à de nouveaux investissements pour soutenir la tournée des organismes artistiques à l’étranger, mais il est par ailleurs inquiétant de constater un manque de vision à long terme par rapport au développement durable de la pratique artistique professionnelle. Cette lacune semble le fait de la gouvernance de l’actuel gouvernement et qui se manifeste aussi dans d’autres secteurs de l’économie québécoise.
Les fonds totalisant 3 M$ qui seront investis au cours des trois prochaines années pour soutenir la tournée des compagnies en arts de la scène à l’international représentent l’aspect le plus positif de ce budget pour le milieu artistique. En plus des 9 M$ qui avaient été annoncés l’an dernier et réservés à cette même fin jusqu’en 2013, le gouvernement maintient son engagement quant à l’importance de faire rayonner la culture québécoise aux quatre coins du monde. Ces fonds permettront aux artistes d’ici de partager le fruit de leur créativité et de leurs nombreux talents sur les scènes internationales.
Malheureusement, le budget du gouvernement Charest ne comporte aucun nouvel argent pour le Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ). Le CALQ, qui représente le principal outil de développement des organismes en arts de la scène, doit composer avec un gel de ses budgets pour les disciplines artistiques qui perdure depuis maintenant plusieurs années. La stagnation des enveloppes des programmes réguliers du CALQ affecte directement les conditions de création artistique et la diffusion des œuvres théâtrales sur l’ensemble du territoire québécois, en témoignent l’accès fort inégal aux œuvres par les élèves du primaire et du secondaire ainsi que la faible circulation des productions théâtrales en dehors des grands centres urbains. S’il est louable de la part du gouvernement de soutenir la tournée des organismes artistiques sur la scène internationale, cet effort sera stérile s’il n’est pas accompagné en amont d’un soutien conséquent pour la création artistique.
Il est également préoccupant de constater que le principal investissement annoncé dans ce budget pour le secteur culturel écarte la majorité des organismes artistiques. En effet, le Fonds Capital Culture Québec, doté d’une enveloppe de 100 M$, sera réservé à une minorité d’organismes culturels à but lucratif capables d’investir un minimum de 5 M$ pour des projets internationaux à fortes retombées économiques. Cette orientation budgétaire exclut d’emblée les organismes artistiques à but non lucratif qui contribuent en retour au dynamisme de l’économie du Québec. L’activité théâtrale génère à elle seule plus de 12,3 M$ en rémunération d’interprètes et de concepteurs. Si le gouvernement souhaite véritablement entretenir la vigueur que retrouve peu à peu l’économie québécoise, il importe tout autant d’intégrer dans cette stratégie les organismes artistiques à but non lucratif plutôt que de se limiter uniquement aux gros joueurs de l’industrie culturelle. Restreindre l’accès à ce fonds uniquement aux projets à fort potentiel de rendement laisse croire que le gouvernement Charest semble orienter de plus en plus la gestion du Trésor public selon des critères de rentabilité et de performance. Cette logique mercantile s’inscrit totalement en rupture avec le plan d’action de développement durable du ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine (MCCCF).
Alors que le MCCCF célèbre cette année son 50e anniversaire et que la politique culturelle du Québec est adoptée depuis 20 ans, le gouvernement Charest est désespérément guidé par une vision de court terme pour le développement des arts et de la culture, car vouloir consolider l’identité culturelle du Québec passe avant tout par la consolidation du cœur créatif de la société, soit les artistes.